mardi 4 septembre 2012

Les en-têtes de décrets à relief (Grèce Antique)

Les en-têtes de décrets à relief

1-En-têtes de décrets à relief, tenants et aboutissants
1.1 Les en-têtes de décrets à reliefs, présentation général
1.1.1 Chronologie
1.1.2 Le système politique grec
1.1.3 Les différents types de décrets à relief
1.2 Le statut de la stèle inscrite surmontée d’un relief
1.2.1 Commanditaire et financement
1.2.2 Pourquoi surmonter un texte d’un relief ?
1.2.3 L’ambivalence et les rapports entre texte et vignette
1.2.4 Synthèse : dualité entre consécration privée et pratique publique

On peut distinguer, dans l'art de la Grèce classique, deux types de reliefs, en fonction de leur destination : le relief architectural, comme par exemple la frise des panathénées, et le relief indépendant. Chacun d'eux est conditionné par son « support ». Pour le relief architectural, l'architecture fourni un cadre monumental, qui contraint le relief à s'y adapter. Les sujets traités sont principalement mythologiques. Le relief indépendant, au contraire, peut-être de dimension variable, en fonction du désir du commanditaire ou du sculpteur. Mais il nécessite l'aménagement d'un socle, au même titre qu'une statue en ronde-bosse. Parmi ce type de reliefs indépendants, on peut en distinguer trois, qui se caractérisent par le fait qu'ils combinent texte gravé, nécessitant une approche épigraphique, et le relief, qui relève de l'archéologie. On distingue donc le relief votif, le relief funéraire, et le relief commémoratif, dont font partis les en-têtes de décrets à relief. Parmi ces trois types, les en-têtes de décrets à relief sont, quantitativement, les moins importants. Et, de fait, il apparaît en effet plus logique d'assortir à un texte funéraire, une épitaphe, ou sacré, une image ou vignette sculptée. L'image se justifie par la fonction (support visuel à la prière ou la déploration, monumentalisation pour honorer le défunt ou la divinité...etc.). Les reliefs en-têtes de décrets sont eux à replacer dans le contexte particulier de la démocratie athénienne, il s'agit dès les envisager globalement, sans dissocier le texte du relief.
En effet, la démocratie athénienne repose sur un système de valeur assez particulier, que je vais tenter de rapidement synthétiser. La démocratie grecque prend ses origines au VIème siècle, dans une situation de crise. Le milieu rural en particulier, ou les paysans ne possédant pas de terre pouvaient être touché par le système de servitude pour dettes, et se retrouver asservi à leur débiteur, manifestait un mécontentement grandissant par rapport à une loi liant situation financière et situation politique. A côté de ça, la nouvelle classe bourgeoise urbaine revendiquait la fin du monopole des nobles sur la sphère politique. Les cités, et Athènes en particulier, se voit la nécessité de grandes réformes dans leur système politique, qui débouche au Vème siècle sur un nouveau régime politique, la démocratie. Il est d'ailleurs intéressant de noter que des changements d'une telle ampleur ne se font pas grâce à des insurrections ou des révoltes, mais par la volonté et l'engagement de politiciens d'assurer la stabilité de la cité. Les quatre politiciens auteurs des réformes importantes qui feront la démocratie sont Dacron, au VIIème siècle, Solon, durant la crise suscité, Clisthène, à la fin du VIème siècle, et Périclès, qui au Vème siècle, renforce le caractère démocratique du système athénien en mettant en place une indemnité journalière de présence aux événements politiques de la cité, ainsi qu’aux spectacles des panathénées.
Les institutions constitutives de la démocratie athénienne, et leur fonctionnement nous sont parvenues grâce à la « constitution d'Athènes », qu'on attribue à Aristote. Ces différentes institutions sont distinctes et complémentaires. On a donc l'Ecclésia, l'assemblée des citoyens, chargée de voter les lois, le budget la guerre ou la paix, et composée de tous les citoyens d'Athènes (dans les faits, seul 6000 d'entre eux assistaient aux réunions). L'assemblée tire également au sort les bouleutes (les présidents du conseil), les héliastes (les membres des tribunaux), les 9 archontes (magistrats) et élit les 10 stratèges. C'est l'institution majeure de la cité, celle sur qui s'articule les autres (la boulé, l'héliée, les tribunaux...etc.).
On remarquera que le système politique athénien ne dispose, somme toute, que d'assez peu de fonctions électives. La légitimité des dirigeants ne se faisait pas via une élection, mais par tirage au sort. Ce système voit se constituer une classe d'orateurs, la vie politique athénienne est marquée par des actions politiques compétitives pratiquées par les orateurs et leurs factions, les « oligoï », arbitrées par les organes délibérants, les assemblées ou les tribunaux. L'autorité et la notoriété d'un homme politique se constitue directement devant le peuple, par sa volonté de proposer des lois, et sa capacité à la faire voter.
Les stèles inscrites témoignent de ces succès politiques remportés devant les assemblées. Cette définition de la fonction de la stèle gravée est cependant a tempérée, dans la mesure où elle ne témoigne pas systématiquement d’un succès personnel devant l’assemblée. Il existe en effet un certain nombre de types de décrets : Les décrets honorifiques, le décret de proxénie, par exemple, les traités entre cités, etc. Les décrets font état des décisions de la cité, prise principalement par l’assemblée, ou Ecclésia. Il peut s’agir de constitutions, de règlements, parfois de comptes rendu financiers. La gravure de ces décrets suit des règles strictes. Y sont inscrits le nom des participants, la date, les circonstances, l’intitulé, avec une formule les authentifiant : « il a plu au conseil et au peuple ». On y trouve également, à partir du IVème siècle, une formule hortative, par exemple : « afin qu'une telle attitude puisse servir d'exemple. », et « de résolution », invoquant la bonne fortune (« plaise au peuple »).
Les stèles gravées sont des documents publics, décidées par l’organe officiel du pouvoir. Mais le rajout d’un relief au-dessus du texte, rend le statut de la stèle dans son ensemble ambigu. Les stèles gravées à en-tête sont-elles à envisager comme une catégorie de reliefs, ou comme un genre épigraphique ? Leur disposition dans l’Agora, puis sur l’acropole, les apparentes aux monuments votifs. Mais, de fait, c’est le texte qui reste l’élément le plus important. La combinaison d’une monumentalisation par l’image sculptée et d’un texte permettent de donner à celui-ci plus de poids et de visibilité.
On connait l’importance de la gravure sur pierre dans la société athénienne, ou elle est utilisé pour un usage commémoratif et politique. Dans le cas des stèles gravées, il ne s’agit pas d’archivage (les archives étaient conservées dans le bouleutérion, sur papyrus ou sur des tablettes en bois), ni de « journal officiel », comme sur le monument des héros Éponymes. Leur rôle était plutôt symbolique, même si, bien évidemment, elle conserve un caractère informant. Elles étaient destinées aux citoyens immédiats et contemporains, et non pas aux générations futures. Il s’agit de publicité solennisée, dont l’impact est différent du « verba volant ». Le texte gravé est souvent abrégé, mais conserve son officialité et sa validité. Le but est de faire savoir qu’une décision a été prise, grâce, ou en l’honneur d’untel, plutôt que de faire connaitre la décision en elle-même. Son caractère est politique que juridique.
La question du commanditaire, et du financement de la stèle gravée surmontée d’un relief permet de se rendre compte de l’ambivalence de ce type de monuments. Le fait de faire graver un décret n’est pas automatique. Il s’agit d’un droit accordé par l’assemblée, indiquant une volonté de lui faire une meilleure publicité. L’organe de décision publique décide de faire graver le texte, et contrôle la fabrication de la stèle, ce n’est pas à l’initiative du citoyen ou du proxène concerné. C’est cependant à lui de prendre en charge son financement, et de choisir s’il désire la surmonté d’un relief, à ses frais. La commande au lapicide (le graveur sur pierre) se fait de concert entre le secrétaire du conseil et l’individu qui souhaite ajouter un relief au texte inscrit. Il apparait également que, même si texte et relief sont gravés en même temps, sur le même bloc de pierre (de marbre, le plus souvent), le relief n’est jamais indiqué ou suggéré dans le texte. On trouve dans les textes la mention des clauses financières spécifiques à la conception de la stèle, qui sont semblables qu’elle soit surmontée d’un relief ou non. Ainsi, ni la procédure, ni le financement ne diffère entre une stèle gravée et un décret à en-tête. On peut en conclure que le relief résulte d’une initiative privée s’exprimant après le vote publique.
En fonction de la nature du décret, l’intérêt de faire surmonter la stèle d’un décret d’un relief diffère. Dans le cas des décrets honorifiques, c’est celui qui est honoré, bien sûr, et le relief viendrait monumentaliser le texte, comme pour sur-légitimer l’honneur reçu. Lorsqu’il s’agit d’une loi, c’est celui qui l’a fait promulguer, le Rogator (l’auteur et promoteur de la proposition), qui entend par ce biais profiter de la publicité accorder par l’assemblée, en accroître l’impact, afin d’en tirer le maximum d’effets politiques. La renommée et la réputation, politique et civile, sont les moteurs de la démocratie athénienne.
Une autre hypothèse tendrait à donner une place plus importante au secrétaire dans l’élaboration du relief. On trouve en effet parfois son nom situé au-dessus, ou en dessous du relief, à la place de celui du dédicant, dans le cas des reliefs votifs. Il pourrait, en plus d’être responsable du texte et de son exposition, avoir un rôle actif dans la fabrication du relief. Ceci dit, le rôle du secrétaire tend à se réduire à partir du IVème siècle, il n’est plus élut mais tiré au sort. Le Rogator prend une place centrale : son nom est cité lorsqu’on évoque la loi qui a fait promulguer, et il en porte la responsabilité. Il peut être poursuivi en cas d’exception d’illégalité.
Les stèles inscrites à reliefs témoignent du caractère particulier de la vie politique athénienne au Vème et IVème siècle. La légitimation de la classe dirigeante se faisait presque uniquement au travers des victoires devant l’assemblée. Les reliefs, en reflétant directement le contenu du texte, tendent à rendre visible des réalités conceptuelles, au travers de personnifications et de divinités poliades très simplement misent en scène. Un accord entre Athènes et Samos sera illustré par Athéna et Héra, par exemple).



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